Cet article a été publié par l'Écho de Cantley Juin 2020, Volume 32 no 11. L'Écho de Cantley a explicitement autorisé la publication de ces articles pour l'information et le plaisir nos lecteurs.
« Si vous évaluez tous les anciens sites géologiques du Canada en fonction de leur valeur scientifi que et de leur accessibilité, l’un d’eux se démarque. Celui de Cantley. » 1
Dans la clarté faiblissante d’un soir de juin, 100 spectateurs marchent au bord d’une gravière pour examiner des preuves. David Sharpe rassemble la foule et pointe les stries et les entailles de la roche devant eux.
« Si l’idée révolutionnaire des inondations sous la glace est vraie », dit-il, « l’érosion de ces roches s’est produite en quelques mois. »
David Sharpe est glaciologue à la Commission géologique du Canada. La formation rocheuse qu’il étudie se trouve dans une carrière de gravier, à 30 minutes de route au nord de Gatineau, près de la Route 307.
Depuis plus de quarante ans, les exploitants de la carrière y extraient du gravier et du marbre. Du côté ouest de la route, la carrière a maintenant 500 mètres de largeur et de 20 à 30 mètres de profondeur. Du côté est, les excavateurs ont coupé profondément dans la colline qui s’élève au-dessus de la route.
Le gravier, et surtout la roche, viennent appuyer une théorie récente et radicale en glaciologie. Les marques de dépôts laissent supposer que ceux-ci ont été transportés par des inondations. Sur la surface de marbre, de longues stries horizontales vont du nord au sud, ce qui indique un écoulement ascendant.
À l’école, on apprenait que la formation de nos paysages s’était produite sur des milliers d’années, avec le mouvement des glaciers. La nouvelle théorie soutient que certains changements se seraient plutôt produits en quelques mois, voire quelques semaines.
L’eau sous-glaciaire pourrait avoir créé une énorme pression, jusqu’à s’échapper en une spectaculaire inondation ayant gravé et façonné le sol.
Davis Sharpe explique que des formations rocheuses de la baie Georgienne, de la péninsule du Niagara et de la Saskatchewan viennent étayer cette théorie. « Parmi les glaciologues, la moitié pense que nous sommes de purs idiots, les autres croient que sommes sur une bonne piste. »
Le site de Cantley donne aux scientifiques des indices particulièrement intrigants relativement aux origines du paysage gatinois. La roche a été protégée de l’érosion, car elle était enfouie sous le gravier. Comme elle a été déterrée seulement dans les dernières décennies, on la considère comme une zone vierge, en termes de géologie. Sharpe indique que ces trois dernières années, 300 géologues ont visité le site pour examiner la roche.
La carrière est à Cantley. La Municipalité songe à acquérir le site pour éviter que de futures excavations ne détruisent les preuves déterrées et pour en faire éventuellement un lieu touristique.
Un premier pas très encourageant a déjà été fait. Les droits miniers de la carrière sont détenus par Fern Pageau. À l’aube de sa retraite, il a décidé de céder ses droits à la Municipalité pour un dollar.
« J’adore cette roche. J’ai travaillé toute ma vie avec de la roche », dit-il.
Mais il y a plus à faire. Des ententes avec le propriétaire du terrain devront être conclues. La Ville de Québec devra aussi décider jusqu’à quel point elle souhaite être impliquée dans le projet, si possible.
Rien ne presse. L’exploitation du gravier n’endommage pas la roche et le marché du marbre est actuellement mauvais. David Sharpe est content de savoir que, pour le moment, l’avenir de la façade rocheuse n’est pas menacé.
« Il s’agit d’un exemple spectaculaire d’érosion et il est accessible à tous », dit-il.
Le 14 avril 2020, le conseil municipal de Cantley a adopté à l’unanimité une résolution pour l’achat de la carrière de Cantley.
1 Bob Phillips, “The Ottawa Citizen”, February 19, 1990